La France est riche d’un patrimoine construit au fil des siècles et miraculeusement bien conservé, même s’il a parfois été mal rénové. Il existe ainsi une dizaine de millions de logements de type ancien à réhabiliter et nombreux sont ceux qui s’attèlent à la tâche, par goût de l’authentique ou pour des raisons de coûts. Mais attention, le bâti ancien – maisons en pierre, en briques pleines, pisé, adobe, pans de bois, brique de terre cuite poreuse… – a des particularités qui nécessitent des précautions et de mauvais choix peuvent aboutir à des catastrophes !
Le bon diagnostic
Atouts et contraintes
Avant de se lancer dans les travaux, une approche globale est nécessaire : c’est l’occasion de repenser le bâtiment pour l’adapter à nos modes de vie actuels et futurs. Il faudra notamment identifier les atouts et contraintes de son implantation au regard des apports solaires, de l’exposition aux vents et à la pluie, des usages, etc. Une première étude sur le volet « bioclimatisme » permet de faire ressortir les opportunités de modifications des façades et des toitures en vue d’améliorer les apports solaires et de tirer le meilleur parti de l’environnement immédiat.
Si l’électricité doit être refaite, on positionnera le tableau électrique dans le volume chauffé pour faciliter le traitement de l’étanchéité à l’air par exemple. Il faudra ensuite établir des priorités avec dans l’ordre :
- supprimer tous les désordres (structure solide, supports sains)
- ventilation
- toiture
- murs
- menuiseries (fenêtres et portes)
- sol/plancher bas
- système de chauffage
Quel budget ?
Si le budget est contraint, il faudra réaliser un phasage des opérations qui permettra de réaliser en priorité les travaux ayant le plus d’impact sur la performance et ceux qui seront impossibles par la suite. On en profitera pour intégrer les utilités qui anticipent la réalisation des travaux futurs (réservations, passages de gaines, etc.). Il s’agit de ne pas mettre en péril financièrement et techniquement le potentiel d’économie d’énergie et les travaux à venir.
Le bâti ancien a parfois subi des modifications au siècle dernier, notamment avec l’apparition des enduits à base de ciment ou organiques. En résulte bien souvent des traces d’humidité, voire de salpêtre, qui disparaitront très vite en faisant tomber cette barrière étanche et en la remplaçant par un enduit ouvert à la diffusion de vapeur (dit perspirant). C’est pourquoi avant de mener toute démarche de réhabilitation, il est nécessaire de sonder les parois afin de bien en connaître la composition. D’ailleurs, notons que ce bâti ancien présente bien souvent des performances thermiques et de confort bien supérieures aux bâtiments construits après 1948…
La réglementation
Les bâtiments construit avant 1948 sont soumis à la règlementation thermique dite « RT existant, éléments par éléments », néanmoins des précautions sont prises quant au respect et à la pérennité du bâti : ainsi, l’isolation des parois opaques n’est pas exigée pour les matériaux anciens (article 2 – arrêté du 3 mai 2007), en raison de risque d’isolation rapportée non compatible avec le mur d’origine. Pour les monuments historiques ou les bâtiments situés en espace protégé et bénéficiant d’une règlementation spécifique, des dispositions particulières existent, se renseigner auprès de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine.
Le fonctionnement hygrométrique des parois anciennes
Granite, calcaire, grès, schiste, meulières, brique, pisé, bauge, adobe, torchis... les parois anciennes recouvrent une large palette de composition, d’autant qu’elles sont constituées de matériaux locaux et naturels : un torchis normand est différent d’un torchis alsacien par exemple. Mais la particularité commune de ce type de bâti est de laisser librement la vapeur d’eau migrer dans les parois et s’échapper naturellement à l’extérieur lorsque son taux s’élève à l’intérieur. Isoler ce type de paroi avec un isolant étanche (par exemple, du polystyrène, polyuréthane, isolants minces réfléchissants) pour des raisons de coûts peut s’avérer dangereux pour la pérennité des parois.
Doc. Climaxion
La modification des échanges gazeux ne sera pas visible de suite, surtout si un parement cache la nature du mur. A terme, c’est le développement de moisissures, puis la détérioration des qualités mécaniques du mur qui peut se produire. Rappelons qu’un air sec à 20 °C peut absorber 17,30 g d’eau par mètre cube, contre seulement 3,2 g à ‑5°C. Ainsi, en hiver, l’air chaud intérieur est sensiblement plus chargé en vapeur d’eau. L’humidité de l’air intérieur va chercher à traverser les murs pour s’équilibrer avec l’air plus sec de l’extérieur, et va passer au travers de couches de plus en plus froides, parfois jusqu’au point de rosée, lieu de condensation.
C’est pourquoi la pose d’un pare-vapeur non continu ou le collage d’un doublage ne fera que concentrer le problème… Pour que l’humidité ne s’accumule pas en migrant de l’intérieur vers l’extérieur, les matériaux doivent être de plus en plus ouverts à la diffusion de vapeur (Sd de plus en plus faible), et l’on préfèrera des frein-vapeurs hygrovariables aux pare-vapeurs pour leur potentiel de séchage en période de diffusion inverse.
Attention, ce phénomène de migration de vapeur d’eau (plus ou moins homogène dans les parois) est différent des infiltrations et exfiltrations d’air parasites par défaut d’étanchéité.
La maîtrise de la circulation d’air
Plus de vapeur d’eau…
Car l’autre particularité de ce type de bâtiment réside dans son renouvellement d’air. Il était le plus souvent assuré naturellement par les fuites induites par les menuiseries anciennes et les systèmes constructifs, et par un mode de vie différent : on se chauffait moins car l’activité physique était supérieure à celle d’aujourd’hui. On utilisait moins d’eau, lavait et séchait le linge à l’extérieur… et donc produisait moins de vapeur d’eau dans les maisons. Ce changement de mode de vie impose de choisir une ventilation adaptée à ces hausses régulières de l’humidité de l’air.
… donc ventilation indispensable !
La deuxième erreur consiste donc à remplacer les huisseries et colmater ces fuites sans prévoir de système de ventilation quel qu’il soit… On choisira donc les menuiseries en tenant compte du mode de ventilation du bâtiment : si la ventilation est simple flux, on prévoira des orifices de ventilation intégrés dans les menuiseries situées dans les pièces à vivre. Si la ventilation est double flux, on prévoira des menuiseries particulièrement étanches à l’air et sans orifices.
Attention aux fuites
On sera également attentif aux fuites provenant d’anciens conduits de cheminée, même condamnée. Si pour des raisons patrimoniales des ouvertures anciennes doivent être conservées, l’intégration de sas d’entrée, la transformation de balcons ou loggia en jardin d’hiver ou la pose d’une double fenêtre peuvent être des pistes d’amélioration du confort.
Enfin, dans certains cas, il peut être judicieux de construire une deuxième enveloppe moderne à l’intérieur de la première ce qui permet de conserver tout le cachet apparent de l’ancien si c’est le but recherché.
Attention à l’eau !
Tout comme dans des maisons de facture plus récente, il faut rénover bien tout de suite pour ne pas avoir à y revenir plus tard… Quelle que soit la situation de départ, il faudra systématiquement étudier le cheminement de l’eau sur tous les éléments de façade et de toiture de manière à prévenir toute infiltration d’eau dans l’enveloppe du bâtiment, d’autant plus si celui-ci y est sensible (pisé, brique, pierre tendre…) : débords de toiture, gouttières, descentes d’eau, caniveaux et points de récupération, écoulement de l’eau sur tous les éléments en saillie de la façade…
Si des traces d’humidité sont apparentes (salpêtre, moisissures, enduits dégradés…) et qu’elles ne résultent pas de la mise en place précédente d’éléments étanches et non capillaires enduits ciment, peintures acryliques, dalle béton), des solutions sont possibles : drainage des murs humides, injection de résine, principe de traitements osmotiques.
On laissera sécher le mur au moins 6 mois avant tout travaux d’isolation. Si la présence d’humidité est inévitable, on prendra en compte la capacité de séchage des isolants mis en place.
Les actions sur la bâti ancien
Isolation du sol
Le sol de ces maisons anciennes est bien souvent sur terre-plein, en contact avec le sol d’origine. Ces sols sont souvent conçus pour rester sains et jouent un rôle intéressant en confort d’été de par leur inertie thermique. Si la sensation de sol froid est source d’inconfort, on pourra l’améliorer avec la pose d’un revêtement textile (laine, sisal).
Une alternative à la dalle désolidarisée, isolée en sous face, consiste à réaliser une dalle en béton isolant comme le béton de chanvre ou le béton de roche volcanique. Il faudra alors décaisser pour créer un hérisson ventilé (Misapor par exemple) qui permettra d’éviter les remontées capillaires et d’évacuer l’humidité en sous face de la dalle.
Les pathologies les plus répandues sont une fois de plus dues à l’humidité (drains bouchés ou supprimés, perturbation des eaux souterraines…) L’intervention sera alors nécessaire : enlèvement du sol existant et remplacement. Ce sera alors l’occasion de mettre en place une isolation thermique efficace. Attention, les solutions comportant un film étanche ou un isolant étanche sont à proscrire : l’humidité contenue dans le sol ira se concentrer dans les murs périphériques créant ainsi de nouveaux désordres…
Planchers bois et pont thermique
En présence de planchers en bois, si l’on se contente d’isoler au-dessus et en dessous du plancher, on laisse un pont thermique important et aucune barrière pour réguler la migration de vapeur d’eau dans l’épaisseur du plancher. Il est donc très important d’assurer la continuité de l’isolation, ainsi que celle de l’étanchéité à l’air pour maîtriser la migration de vapeur d’eau. Comme précisé dans l’étude « Migration d’humidité́ et de vapeur d’eau dans les parois du bâti ancien » de Climaxion, l’idéal est de prévoir :
• de scier le plancher au niveau où passera le freine-vapeur (l’ouverture sera ainsi recouverte par l’ITI),
• faire descendre le freine-vapeur jusqu’au parement inférieur du plancher (s’il est compliqué de le scier aussi, notamment en cas de plafond en plâtre traditionnel sur lattis de canisse…) et le raccorder soigneuse- ment aux poutres et au parement conservé le cas échéant, avec des produits qui restent souples toute leur durée de vie (colle butyle, adhésif souple adapté au support, etc.). Laisser le lé en attente pour raccordement ultérieur au freine-vapeur courant,
• faire également descendre l’isolant (en épaisseur minimale de 5 cm) dans l’épaisseur du plancher.
En présence d’un enduit ciment ou revêtement plastique épais, prévoir un décapage si le mur en lui-même est ouvert à la diffusion de vapeur (mur en pierre non jointé, ou mur en brique ou pierre ouverte à la vapeur d’eau). Ces dispositions permettront de s’assurer que le flux de vapeur passant par la poutre elle-même n’est pas bloqué dans le mur.
Toiture et combles
La toiture est le premier poste de déperdition thermique des bâtiments. L’isolation de la toiture ou des combles doit être traitée prioritairement. Avant tous travaux, on s’assurera du bon état de la charpente et de la bonne étanchéité à la pluie et à la neige de la couverture. L’isolation de la toiture est plus simple et plus rentable que l’isolation des murs, c’est pourquoi, il est intéressant de traiter l’isolation des combles au-delà du strict niveau règlementaire trop peu exigeant, et viser une résistance thermique plus proche de R = 10 m².K/W.
Il convient de le vérifier systématiquement, mais en règle générale, les combles de ces bâtiments anciens sont considérés comme correctement ventilés. Avec des isolants fibreux, et si aucune surface de répartition (type plancher) ne vient recouvrir l’isolant, il n’est pas strictement nécessaire de mettre en œuvre un pare-vapeur côté chaud (face inférieure de l’isolant insufflé).
(Attention, si l’aménagement des combles est envisagé ultérieurement !). Quelle se soit la situation, il faudra être vigilant dans le raccordement des différentes membranes d’étanchéité à l’air des murs avec celles des combles (continuité de la membrane). Enfin, si la couverture doit être refaite, il faudra étudier la solution sarking (isolation par au-dessus), dont les performances sont toujours supérieures à celles d’une isolation par l’intérieur.
Les murs
- Les avantages de l’isolation par l’extérieur
Si la conservation de l’aspect extérieur du bâtiment n’est pas souhaitée (appareillage en pierre prévu pour être enduit par exemple), l’isolation par l’extérieur est la solution la plus efficace d’un point de vue thermique (pas de ponts thermiques) mais également du point de vue des transferts d’humidité́ : en période de chauffe, on élève la température de toute la paroi existante et l’eau ne peut condenser qu’au niveau du parement extérieur de l’ITE. Il est ainsi possible d’isoler par l’extérieur une paroi ancienne avec un isolant fibreux et un enduit ouvert à la diffusion de vapeur (Sd de l’ordre de 0,5 m pour le pan de bois) ou un bardage ventilé (sous réserve de la résistance des fixations).
- L’isolation par l’intérieur
Si l’augmentation de l’épaisseur des parois n’est pas réalisable (surfaces habitables réduites ou forte inertie des murs existants dont il serait dommage de se priver), on se contentera d’une correction thermique permettant de couper l’effet paroi froide : enduit isolant de 5 à 8 cm, perméable à la vapeur d’eau (chaux-chanvre, perlite, silices expansées, terre-paille, lambris intérieurs…) Attention prévoir 30 jours de séchage pour un enduit chaux-chanvre banché !
Pour une meilleure performance, une isolation par l’intérieur des murs anciens sera réalisée avec des isolants végétaux ouverts à la diffusion de vapeur, un frein-vapeur hygrovariable et un parement tout autant respirant. Il est également possible de créer un caisson en panneau de fibre de bois support d’enduit puis d’y insuffler un isolant végétal en vrac. Si le risque de remontées capillaires existe, la partie soubassement maçonné́ pourra être doublée de 4 cm de liège (exemple du bâti à pans de bois).
Il est également possible de mettre en œuvre certains bétons cellulaires en panneaux (disponibles à partir de 60 mm d’épaisseur) ou des produits silico-calcaires en panneaux (silicate de calcium microporeux, épaisseur à partir de 25 mm). Ces panneaux se mettent en œuvre collés par un mortier adapté. Un primaire d’accrochage peut être nécessaire en fonction du support. Ceci ne peut être réalisé que sur des murs relativement plans et droits. Identifier les solutions de traitement de l’étanchéité à l’air avant de commencer les travaux !
Pierre ou pierre ?
Comme précisé́ dans l’étude « Migration d’humidité́ et de vapeur d’eau dans les parois du bâti ancien » de Climaxion, l’isolation par l’intérieur des murs en pierre nécessite une attention particulière, notamment pour la protection à la pluie battante (certaines pierres absorbent la pluie, il faut les protéger) et la perméabilité́ à la vapeur d’eau : le facteur de diffusion mu varie de 10 à 10 000 selon la nature de la pierre ce qui implique un choix différent de membrane d’étanchéité à l’air pour respecter le principe de perméabilité croissante.
Ainsi, les calcaires tendres, molasse, tuffeau, grès tendres non enduites devront être protégées de la pluie impérativement (μ <70), tout comme les calcaires durs (μ de 100 à 300).
Les schistes, ardoises, granite, basalte, calcaires très durs, marbre n’absorbent pas la pluie (μ >500).
Le plus efficace pour ce type de bâti reste l’ITE avec un isolant et un enduit ouvert à la diffusion de vapeur ou un bardage.