Photo de une : Réalisation Atelier 3A. Menuiseries triples vitrages Smartwin Bois/alu d’André Menuiserie, certifiées passives. Voir hors-série n°18
D’un côté la promesse d’une meilleure isolation thermique et de l’absence de parois froides. De l’autre un budget inférieur et plus d’apports solaires… Comment choisir ? Faut-il opter pour le triple vitrage côté nord ? En neuf, on pourra se fier à une étude thermique, mais en rénovation ? Double ou triple vitrage ? Guillaume Masseteau, thermicien et maître d’œuvre dans la Vienne nous propose son point de vue.
Le vitrage : indissociable de la menuiserie !
Dans le bâtiment, le vitrage est un élément essentiel ! Il reste malgré tout indissociable du châssis qui le porte et des intercalaires qui permettent l’assemblage de plusieurs vitrages. Le vitrage est certes l’élément qui laisse les apports solaires entrer dans nos habitats, mais la largeur du châssis qui porte le vitrage est tout aussi important. Pour une même dimension de menuiserie, la surface de vitrage pourra être plus ou moins importante en fonction de la largeur du châssis. Ce rapport entre la surface de vitrage et la surface de châssis, c’est le clair de vitrage.
Pour une menuiserie de 1,30 m2, on pourra avoir par exemple 79 % (1,02 m2) de surface vitrée avec un châssis de 63 mm de large ou bien pour la même menuiserie 54 % (0,71m2) de surface vitrée avec un châssis de 144 mm de large. Il faut donc garder en tête qu’en fonction du châssis choisi, on partira avec des avantages et/ou des inconvénients dus à la qualité de ce dernier (dimensions, performance thermique, étanchéité).
Ces précisions faites, pour la suite, nous raisonnerons à « châssis constant » pour nous focaliser sur le cœur du sujet : le vitrage !
Le rôle du vitrage
Qu’il soit simple, double, triple, quadruple, le vitrage de votre menuiserie a pour fonction d’offrir un accès aux apports solaires lumineux et thermiques, aux paysages extérieurs, le tout en offrant une séparation (isolation au sens large) entre l’ambiance intérieure et l’ambiance extérieure.
Le vitrage remplit plusieurs niveaux de séparation tels que peuvent le faire les parois opaques :
- Isolation thermique
- Isolation phonique
- Barrière physique
- sécurité
Caractéristiques techniques
Pour ce qui est de l’isolation phonique ou le niveau de sécurité, les doubles et triples vitrages (sans traitement spécifiques) ont le même niveau de réponse, soit autour de 27 dB d’indice d’affaiblissement corrigé (RAtr). Concernant la sécurité, entre un double vitrage et un triple vitrage, sans aucune couche de protection particulière (trempé ou feuilleté), le triple vitrage possède un petit avantage. 3 vitrages restent toujours plus longs à briser que 2.
Pour ce qui est de l’aspect énergétique, on peut le décomposer en trois paramètres pour le vitrage :
- Le coefficient de transmission thermique du vitrage (« g » pour « glass » en anglais) : Ug. Plus le U est petit et plus la paroi est isolante.
- Le facteur solaire du vitrage : g. Il s’exprime en %. Plus le facteur solaire est élevé, plus les apports de chaleur par les rayons solaires seront important.
- La transmission lumineuse Tlg. Elle s’exprime en %. Plus la transmission est élevée, plus les apports lumineux seront importants. Ce paramètre n’est pas thermique mais lié au taux d’usage de l’éclairage artificiel et donc de la consommation électrique liée à ce poste.
Double vitrage | Triple vitrage | |
Coefficient de transmission thermique (Ug en W/m².K) | 1,0 à 1,3 | 0,50 à 0,75 |
Facteur solaire (g) | Jusqu’à 71 % | Jusqu’à 62 % |
Transmission lumineuse (Tig) | Jusqu’à 82 % | Jusqu’à 77 % |
Y’a‑t-il un retour sur investissement pour du triple vitrage face à du double vitrage ?
Pour parler de retour sur investissement, il faut voir de combien est le surinvestissement. Pour passer d’un double à un triple vitrage sur des dimensions ne résultant pas de la folie, on peut tabler actuellement sur +50 € à +80 € par mètre carré de menuiserie (hors offre où le triple vitrage est au prix du double… ce que l’on voit de plus en plus régulièrement chez certains fabricants).
Le triple vitrage est donc un peu plus cher que le double vitrage même si les écarts de prix diminuent grâce à un marché qui se développe. Et si le triple vitrage est quasiment 2 fois plus isolant que le double vitrage, ce dernier offre, quant à lui, un peu plus d’apports solaires mais ce ne sont pas les seuls paramètres qui induisent la rentabilité économique de cet investissement.
Les paramètres qui impactent le retour sur investissement sont multiples :
- Facteur solaire (g) et coefficient de transmission thermique (Ug),
- Niveau global énergétique du bâti de base (neuf, existant, existant déjà rénové…),
- Exposition des ouvertures,
- Climat chaud, tempéré, froid…,
- Coût de l’énergie et efficacité du système utilisés pour le chauffage (ou l’appoint de chauffage lorsque l’on parvient à supprimer le système conventionnel de chauffage).
Le niveau de confort
Au-delà du fait qu’on puisse avoir un retour sur investissement économique, il est important de ne pas négliger le confort ! Notion parfois abstraite pour ceux qui se définissent comme sensible au froid et/ou au chaud, le vitrage est un paramètre d’optimisation qui peut changer la donne en termes de confort thermique et lumineux. Au-delà des paramètres comportementaux et physiologiques, les concepteurs peuvent agir sur les paramètres d’ambiance : température et humidité de l’air, température des parois (dont celle des vitrages), vitesse de l’air brassé par la ventilation.
Pour maximiser le confort, il faut chercher à diminuer les écarts de températures entre tous les points froids et chauds pour éviter l’asymétrie des températures. C’est bien souvent l’asymétrie des températures qui provoque l’inconfort. Car une fois passé une asymétrie de 5°C, le taux d’insatisfaction en termes de confort thermique augmente très vite.
Cas concret dans votre salon
Vous êtes en hiver dans un salon séjour de 32 m² (4 m x 8 m) avec deux baies de 2,4 m x 2,15 m. Vos murs sont à la température de l’ambiance intérieure garantie grâce aux apports internes et au chauffage. Les murs rayonnent donc une température de 20°C pendant que votre plancher chauffant est à 26°C. Le ciel est voilé et les apports solaires sont faibles. Votre double vitrage vous isole et rayonne une température autour de 15°C. Et là, vous venez de comprendre que vous avez 10 m² de menuiseries qui imposent un rayonnement de 11°C plus froid que votre plancher chauffant. Il fait 21°C dans la pièce et votre confort n’est pas optimal.
Changeons, juste le vitrage en mettant du triple vitrage. Ce dernier rayonne maintenant une température autour de 18°C. Les déperditions nettes de la pièce ont par la même occasion été diminuées (grâce aux 10 m² de vitrages qui isolent mieux) et la puissance est moindre pour devoir chauffer la pièce. Votre plancher n’a maintenant besoin d’être qu’à 24°C. L’écart de température entre le point le plus froid et le plus chaud est maintenant de 6°C. Il fait 20,5°C dans la pièce et vous êtes plus confortable.
On peut donc être dans une meilleure situation de confort avec une température opérative* moins élevée mais un thermomètre qui affichera la même chose.
*Température opérative : c’est la moyenne des températures rayonnées par les surfaces et de la température ambiante. Le thermomètre ne mesure que la température ambiante !
Solution bonus additionnelle !
Pour diminuer encore les écarts de températures et atteindre un confort optimal, on pourra mettre en place un système de ventilation double-flux qui permettra de diminuer les déperditions. Les émetteurs de chaleur pourront ainsi être réduits (puissance divisée au moins par 2 par rapport au cas précédent).
Par conséquent, la température rayonnée des émetteurs de chaleur se rapprochera de la température ambiante et on pourra obtenir un écart de 3°C, voire moins, entre le point le plus froid et le plus chaud. Autre bonus, l’air neuf entrant dans la pièce étant maintenant préchauffé grâce au système double-flux, la zone de confort de la pièce est augmentée. En effet, on supprime ainsi la zone où l’air froid de l’extérieur rentre (entrée pour renouveler l’air !) et se mélanger à l’air chaud intérieur.
Pour le confort d’été
On peut rappeler que la stratégie du confort d’été doit être globale. De plus, je milite pour que le confort d’été soit fait le plus possible dans une démarche passive. Dans le cas où l’on a une stratégie globale cohérente avec de base des occultations extérieures efficaces et une ventilation nocturne efficace (si vous n’avez rien de cela, que ce soit en double ou en triple vitrage, le confort d’été sera médiocre donc nous ne traitons pas ce cas), le triple vitrage est plus avantageux.
En effet, celui-ci isole deux fois plus que le double-vitrage et l’isolation fonctionne pour se protéger du froid mais aussi du chaud. Pour ce qui est des quelques rayons de soleil qui ne seraient pas arrêtés par des occultations, le triple vitrage ayant un facteur solaire un peu plus faible que le double vitrage, on aura donc un peu moins de chaleur qui rentrera. La différence majeure restant sur le niveau d’isolation du vitrage.
Et dans l’ancien ?
Est-ce que tout cela est valable dans l’ancien ? C’est une réponse de normand.
- Oui, on ne change pas les lois de la physique et donc tout ces principes s’appliquent.
- Non, ce n’est pas la même chose pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’enveloppe thermique globale dans l’ancien est généralement moins performante que dans le neuf, y compris après rénovation. L’ensemble diminue généralement la rentabilité économique du triple vitrage. Ensuite, l’ancien offre généralement des ouvertures moins grandes. Les surfaces froides associées aux vitrages sont donc moins importantes. Couplé à la logique économique, le triple vitrage peut ne pas se justifier par un gain de confort notable par rapport au surinvestissement par rapport à du double-vitrage.
Des études nécessaires
Si le double-vitrage est le plus répandu, on comprend que c’est dû à la logique économique de l’investissement brut. Une approche de coûts globaux et de confort, montre que le triple vitrage est une option qui peut offrir une réponse pragmatique allant au-delà du récurrent « c’est pour la façade nord ».
Le bon sens étant d’aborder le sujet des menuiseries dans une réflexion globale pour faire le meilleur choix et tirer l’optimum de cet élément qui est à la fois votre mur, votre vue vers l’extérieur ainsi qu’un système d’éclairage et de chauffage. Et mettre en place du triple vitrage ne vous garantit pas un projet plus cher. Notamment si le fait d’opter pour cette technologie permet de passer un palier pour par exemple mettre en place un système de chauffage moins coûteux.
Vous avez ici les principes fondamentaux mais on ne peut en faire des généralités. Il y a un nombre important de paramètres qui sont en relation avec le choix du vitrage : bâtiment neuf ou rénové ? Climat chaud, tempéré, froid ? Surfaces et exposition des menuiseries ? Niveau d’isolation du bâtiment ? Equipements techniques… Tous ces paramètres doivent être intégrés dans les études de conception (l’étude réglementaire seule ne vous rendra pas ce service !) de votre projet pour garantir un choix optimal. Un vitrage et une menuiserie, ça se dimensionne et c’est un élément clé pour garantir un habitat performant et confortable.
Thermicien de formation avec une approche écologique de l’architecture, Guillaume Masseteau est maître d’œuvre au sein du projet qu’il développe : Alternative Habitat. Il conçoit et réalise des habitats sains, confortables, durables et performants.