Photo : Menuiseries Bieber.
L’étanchéité à l’air est sans doute le point le plus critique à gérer dans une construction aujourd’hui, qu’il s’agisse de respecter la réglementation en vigueur, ou d’aller au-delà avec le passif, par exemple. Pour beaucoup de corps de métier, la gestion des fuites implique un changement considérable dans les habitudes, ne serait-ce que parce que l’étanchéité à l’air concerne tous les intervenants du chantier.
Pourquoi rendre étanche à l’air ?
Comment faisait-on avant ?
Autrefois, les bâtiments étaient ventilés par les fuites naturelles des menuiseries, de la ventilation, des cheminées… c’est encore le cas sur le bâti ancien. Ces bâtiments sont malheureusement peu confortables (sensations de courants d’air, mauvais confort phonique) et surtout, sont généralement des passoires thermiques, car les flux d’air ne peuvent pas être contrôlés. Les déperditions liées aux fuites sont de l’ordre de 10 kWh/m².an !
Ces flux d’air non contrôlés dégradent également l’efficacité des isolants (un isolant isole si l’air qu’il emprisonne dans ses fibres ou ses cellules est immobile), ils peuvent également détériorer la qualité de l’air intérieur en mettant en mouvement des poussières irritantes ou des moisissures, surtout si les isolants sont anciens.
Mais des risques
Enfin, les flux d’air non contrôlés peuvent créer des zones de condensation lorsque la vapeur d’eau contenue dans l’air chaud est mise en contact avec une paroi froide. À terme, l’accumulation d’humidité aux mêmes endroits risque de mettre en péril la pérennité du bâti lui-même. En France, plus de 40 % des logements souffrent d’humidité… Ainsi, une fente d’1 mm dans un panneau de laine de verre d’1m², épais de 14 cm, dégrade le U théorique de l’isolant de 0,3 à 1,44 W/m².K ! La déperdition correspond ainsi à un facteur 4,8. (Source pro clima) Voilà pourquoi, les labels et les obligations réglementaires imposent un contrôle de l’étanchéité à l’air des bâtiments.
Avantages d’une bonne étanchéité à l’air
• Meilleure qualité de l’air (filtré correctement par la VMC)
• Atténuation des bruits extérieurs
• Meilleure performance énergétique du bâtiment
• Meilleur confort thermique
• Pérennité du bâtiment dans le temps (pas de condensation dans les parois)
Étanchéité à l’air et confinement
Attention, pas question de rendre étanche un bâtiment sans assurer le renouvellement de l’air intérieur ! L’étanchéité doit impérativement être associée à une ventilation contrôlée et bien dimensionnée permettant d’assurer une bonne qualité de l’air. Notons à ce sujet que l’actuelle réglementation sur la ventilation date de 1982 et 1983, à une époque où les fuites des parois contribuaient au renouvellement d’air (100 à 4 000 m³/h !). Ainsi, pour une maison de 110 m² habitée par 4 personnes et conforme à la RT 2005, le débit d’air neuf total (infiltrations et VMC double flux autoréglable comprises) est de 145 m³/h (78 m³/h si le logement est équipé d’une VMC simple flux hygroréglable). Si le logement est conforme à la RE2020, avec une ventilation hygroréglable, le débit total d’air neuf descend à 62 m³/h. Un niveau inquiétant et largement insuffisant au regard des recommandations de la norme européenne EN 15251, garante d’un niveau de qualité d’air acceptable, et bien inférieur à la moyenne européenne (138 m³ pour l’exemple cité ci-dessus).
Comment garantir une bonne étanchéité à l’air ?
Une bonne conception
L’étanchéité doit être anticipée par une bonne conception, d’autant qu’elle concerne tous les intervenants sur le chantier. L’objectif doit être clairement donné en fonction des exigences recherchées. Pour garantir une bonne étanchéité à l’air, il faut se représenter le bâtiment en coupe et visualiser la continuité de cette “couche” d’étanchéité. Chaque point singulier (menuiseries, jonctions, traversées de réseaux…) devrait faire l’objet d’une réflexion préalable au chantier, sur des carnets de détails. Bien anticipée, la difficulté sera plus facilement résolue. Cette réflexion préalable permettra également de budgéter le “lot étanchéité à l’air”, même s’il ne correspond pas à un lot d’entreprise particulier, car c’est une exigence qui a un coût (membranes, adhésifs, accessoires… et bien sûr, tests).
Recommandations :
- éviter les traversées
- placer le tableau électrique dans le volume chauffé
- minimiser les éléments structurels qui traversent la couche d’étanchéité
- produire des carnets de détails (voir les carnets “mininfil” téléchargeables sur le site du CETE de Lyon)
- réceptionner les supports (dalle du maçon, tableaux de fenêtres…)
- prévoir des vides techniques en plafond et en mur facilite le chantier
Une bonne prescription
Une formation est encore bien souvent nécessaire en début de chantier. Il faut s’assurer de la présence de tous les intervenants pour qu’ils apprennent à respecter leur travail mutuel ! Il faudra peut être également un accompagnement durant le chantier et prévoir un ou deux tests intermédiaires d’étanchéité à l’air, à mettre à la charge des entreprises qui doivent réparer. Lors de l’appel d’offres, on privilégiera les entreprises qui affichent une réelle préoccupation pour cet aspect de la qualité du chantier.
Comment se présente cette “couche”
Elle peut être assurée par :
- une membrane d’étanchéité (pare vapeur, frein-vapeur)
- un panneau de contreventement (OSB, panneau massif bois)
- un enduit minéral non fissuré
- des dalles ou des murs en béton banché
- une plaque de plâtre si elle n’est pas traversée (boîtiers électriques, tableaux…) ce qui est impossible à garantir dans le temps (accrochage de tableaux…)
Notons ici que les blocs maçonnés (parpaings, briques) ne sont pas étanches, c’est l’enduit qui assure l’étanchéité à l’air. Bien souvent, les fuites sont localisées au niveau des prises électriques, mais attention, la fuite peut tout simplement être masquée par la plaque de plâtre et l’air sortir par les trous de la prise.
Les outils et accessoires disponibles
- mastic-colles souples (exemple : raccord mur/dalle)
- treillis spéciaux pour enduits sur murs maçonnés
- mousse expansive (compribande) pour les menuiseries
- bandes adhésives
- bouchons de gaine avec sortie de câble
- boîtes électriques étanches
- adhésifs, plaques ou produits spécifiques pour étanchéifier les conduits de fumée en respectant la garde au feu
- appuis intermédiaires pour création de vides techniques
- manchettes EPDM pour traversée de membraneAttention, le silicone et la mousse polyuréthane ne sont pas étanches durablement.
À surveiller :
Les passages obligatoires au travers de l’enveloppe
- Alimentation électrique (le reste de l’installation si possible dans le volume chauffé, tableau électrique inclus)
- Arrivée de gaz
- Arrivée d’eau froide
- Bouches d’air neuf de la VMC (manchette étanche)
- Bouches d’air vicié de la VMC (manchette étanche)
- Tuyaux d’évacuation des eaux usées : étanchéité assurée par des siphons
- Autres systèmes traversants (conduits de fumée…)
Prévoir une étanchéité suffisante autour de chaque traversée
Les points à éviter
Tout ce qui met en danger la continuité de la couche d’étanchéité, à savoir :
- La superposition d’adhésifs de toutes sortes
- L’utilisation d’adhésifs non adaptés (pas de pérennité)
- La pose d’une plaque de plâtre masquant les points singuliers
- Le choix de menuiseries non étanches (attention aux coulissants)
- La pose de prises électriques traversant la couche d’étanchéité
- Les hottes sans clapet étanche
- Les appareils de chauffage au bois non étanches
- Les cages d’ascenseur non traitées au niveau du sous-sol et de la trappe
- La pose de caissons de volets roulants mal étudiée
Vérifier l’étanchéité à l’air
Les labels et la réglementation imposent un test d’infiltrométrie (Blower-door ou porte soufflante) devant être réalisé par un tiers. Ce test consiste à mettre le bâtiment en dépression ou en sur-pression et à mesurer par ordinateur le volume d’air qui s’échappe par les fuites à différentes pressions. On mesure ainsi les pertes sous 50 pa (label passif) et par extrapolation, on parvient ainsi à établir une valeur sous 4 pa (RT2012, label BBC), 50 Pa correspondant à un vent de 32 km/h, 4 Pa de 9 km/h. Les résultats sont représentés par une surface équivalente de fuites dans une paroi étanche d’un diamètre variable. Pour exemple, une étanchéité à l’air de q4 =0,6 m³/h.m², d’une maison d’environ 110 m², peut être représentée par un trou d’un diamètre de 16 cm. La même maison au standard du passif aura un trou de 4,2 cm de diamètre. Les sources peuvent être identifiées au fumigène ou avec un anémomètre à fil chaud.
Les fuites les plus fréquentes
- Liaisons façades/planchers
- Menuiseries extérieures
- Équipements électriques
- Équipements électriques
- Trappes et éléments traversant les parois