Une étanchéité à l’air de 0,6 vol/h, un besoin de chauffage inférieur à 15 kWh/m².an des consommations en énergie primaires réduites inférieures à 120 kWh/m².an… La conception de la maison passive semble simple, surtout si on la compare aux complexités de notre RE2020… Dans la réalité, elle exige une rigueur à tous les stades de la construction, de sa conception à la mise en œuvre qui exige un travail en équipe des entreprises et la formation et la sensibilisation de chaque intervenant sur le chantier. La réussite ne peut se faire que si tous sont convaincus ! Voici quelques recommandations à retenir pour une enveloppe passive !
Photo de une : Maison Carré 21 – CMB
Une conception bioclimatique bien étudiée
Architecture favorisant les apports passifs (d’où le nom) permettant de limiter les besoins en énergie et les risques de surchauffe estivale. Cela se traduit par un bâtiment compact, vitré au sud, fermé au nord, même s’il est possible de compenser une mauvaise orientation par un renforcement de l’enveloppe.
Orientation
La façade principale sera idéalement plein sud et particulièrement vitrée. En retour, la façade nord fera l’objet d’une protection renforcée et d’un minimum d’ouvertures, voire d’un sas pour la porte d’entrée si nécessaire. Si la conception bioclimatique repose sur cette orientation optimale, il arrive que cette implantation ne soit pas possible (mauvaise orientation du terrain, masque au sud…), aussi une maison passive peut être envisagée avec une autre orientation. Dans ce cas, le « manque à gagner thermique » est compensé par ailleurs.
Compacité
Le but est d’avoir le moins de surface en contact avec l’extérieur (= moins de surface à isoler) pour la plus grande surface habitable. Ce rapport s’appelle le facteur de compacité. Plus ce facteur est faible, plus la construction est thermiquement performante. Au delà de la compacité, la simplicité de la forme est essentielle. Ainsi, décrochements, balcons rapportés sur la façade ou éléments en saillie – qui peuvent se révéler très pénalisants – sont à éviter.
Ouvertures et apports solaires
L’importance de la surface vitrée en façade sud et la qualité des vitrages sont une garantie de bénéficier d’apports solaires conséquents et de diminuer d’autant les besoins en chauffage. On peut encore amplifier ces apports en chaleur gratuite en ajoutant à la maison une serre bioclimatique sur la façade sud. La surface vitrée supplémentaire et l’effet de serre joueront le rôle d’un véritable chauffage naturel. Il est important de souligner que le Passivhaus Institut recommande la mesure en ce qui concerne les parois vitrées : la surface vitrée ne devrait ainsi pas dépasser 25 % de la surface utile d’un bâtiment pour éviter les surchauffes.
Quels vitrages ?
Dans un projet passif, les apports solaires couvrent environ 50 % des besoins totaux en chaleur, les apports internes seulement 15 %. Il va donc falloir trouver le bon compromis entre facteur solaire (g, minimum 50 %) et isolation (Ug pour le vitrage, maximum 0,8 W/m².°C ), et ce, en tenant compte des orientations et des surfaces vitrées de chaque ouverture. Le logiciel PHPP permet différentes simulations pour optimiser les choix. On pourra ainsi vérifier si le triple vitrage est indispensable, ce qui est généralement le cas, ne serait-ce que pour couper l’effet paroi froide en hiver.
Quelles menuiseries pour une maison passive ?
Plus la proportion du cadre de la menuiserie est importante, plus il y aura de ponts thermiques et moins la fenêtre sera isolante. Il vaut ainsi mieux avoir un grand vitrage que plusieurs petites fenêtres. Les menuiseries intègrent des isolants (idéalement du liège) permettant de couper les ponts thermiques internes. Les menuiseries coulissantes vraiment étanches sont plus rares à trouver. Enfin, il ne faut pas négliger la qualité des portes pleines. Dans tous les cas, il est plus que recommandé de choisir des menuiseries certifiées par le PassivHaus Institut (Bader, Fenêtres Franc-Comtoises, Internorm, Menuiserie André, Menuiseries Bieber, Minco, Raico…). Le montage doit garantir l’étanchéité à l’air de la menuiserie. Plus la menuiserie est proche du nu extérieur du mur, moins le pont thermique est important. On utilise généralement des joints « compribandes » (ruban de mousse expansive) et des adhésifs pour garantir l’étanchéité entre le mur et le bâti de la fenêtre.
Sur-isolation, ponts thermiques et inertie
La démarche passive recommande une bonne résistance thermique des parois, entre 6,6 et 10 m².°C/W, ce qui se traduit par 30 à 40 cm d’un isolant standard. L’enveloppe constitue un manteau isolant pour la maison. L’isolation doit être ininterrompue et les ponts thermiques traités. La construction doit favoriser l’inertie. A ce titre, l’isolation par l’extérieur est la technique la plus adaptée.
Isolation et inertie
Tous les isolants (laines, panneaux, vrac…) sont envisageables. Le calcul du point de rosée est impératif : l’eau ne doit jamais condenser dans le mur et surtout pas dans l’isolant. L’isolation par l’extérieur est quasiment généralisée en passif : c’est un moyen efficace de gérer les ponts thermiques situés aux points de jonction mur/toiture, mur/dalle etc. Le principe consiste à « envelopper » le bâtiment dans un « manteau » isolant continu. L’inertie et le déphasage de températures pourront participer au confort, notamment l’été, sous réserve de ne pas laisser pénétrer la chaleur dans le bâtiment : plus il y aura d’inertie, plus il sera difficile de faire redescendre la température après une surchauffe.
En cas d’isolation par l’intérieur, les ponts thermiques devront être traités séparément. Dans tous les cas, le concepteur doit s’assurer que l’espace chauffé est isolé de manière continue.
Limiter les ponts thermiques
Les ponts thermiques sont la conséquence d’une rupture dans l’isolation qui peut se trouver dans la paroi, le toit et le sol. On distingue les ponts thermiques ponctuels (rares), des ponts thermiques linéaires. Ils peuvent également être dus à des contraintes géométriques (angles et rebords) ou au choix de matériaux, de percements et de branchements. Si les premiers sont difficiles à gérer, les seconds peuvent être considérablement améliorés par une mise en œuvre attentive. Ils sont généralement situés au niveau des dalles de balcons, planchers bas ou intermédiaires, raccordements de fenêtres, murs de refend, poteaux etc.
Quatre règles permettent de limiter le risque :
1/ Prévention
Dans la mesure du possible, ne pas interrompre l’enveloppe thermique
2/ Règle de pénétration
Là où une interruption est inévitable, la résistance thermique dans le plan d’isolation doit être aussi haute que possible
3/ Règle d’articulation
Aux articulations entre les éléments du bâtiment, les couches d’isolation doivent se rejoindre sans interruption ni décalage
4/ Règle de géométrie
Préférer autant que possible les angles obtus, les angles aigus favorisent en effet la dispersion de la chaleur.
Architecture et produits
Des astuces architecturales permettent de limiter les ponts thermiques. Par exemple, en séparant thermiquement le balcon du plancher de l’étage (par une coursive par exemple), ou en ajoutant une isolation supplémentaire à l’extérieure des menuiseries pour réduire les pertes liées aux connexions et augmenter les températures des surfaces internes. De nombreux « rupteurs de ponts thermiques » ont également été développés par les industriels.
Systèmes constructifs et ponts thermiques
Pour une construction classique en parpaings ou en briques avec isolation par l’intérieur, les principaux ponts thermiques sont localisés à la liaison entre la façade et la toiture, au niveau des planchers intermédiaires, des murs de refend, des dalles de balcon et de la jonction entre la façade et le plancher bas. Avec une isolation par l’extérieur, il ne reste plus qu’à gérer le problème du balcon, sous réserve d’être attentif aux jonctions façade/plancher bas et façade/toiture.
Pour une construction en isolation répartie ou en mur manteau, le principal point noir reste la dalle de balcon, et la liaison façade/plancher bas.
Les constructions bois isolées par l’extérieur ne présentent pratiquement pas de ponts thermiques. Seule la liaison plancher bas/façade reste à traiter.
Calculer les ponts thermiques
Le coefficient de déperdition de chaleur psi 𝝍 est le calcul de base pour détecter un pont thermique. Il indique la quantité de chaleur en watt qui se propage à travers un matériau épais d’un mètre, lorsque la différence de température entre les deux faces est de 1°C. Une construction ne comporte pas de pont thermique si PSI<0,01 W/m.°C.
Conséquences des ponts thermiques
La formation de ponts thermiques peut causer d’importantes pertes de chaleur ainsi que des dégâts dans une construction. Des éléments de construction mal isolés présentent de faibles températures de surface. Un taux d’humidité ambiant trop élevé peut entraîner des problèmes de condensation sur la paroi extérieure qui est bien plus froide que la température intérieure. Pire encore, le risque de formation et prolifération de moisissures et de spores sur les zones humides.
Une construction passive nécessite ainsi une grande qualité dans le choix des matériaux/équipements, mais également une attention de tous les instants dans la mise en œuvre. C’est pourquoi, la sensibilisation et un suivi attentif par toutes les entreprises sur le chantier sont incontournables pour atteindre la qualité requise par le label.
Etanchéité à l’air
Bien plus exigeante que la RE2020 (0,6 m³/h.m² de surfaces déperditives sous 4 pascals, correspondant à un vent de 9 km/h), la construction passive impose une étanchéité à l’air de 0,6 vol/h sous 50 pascals (soit environ 0,16 m³/h.m² sous 4 pascals), ce qui correspond à un vent de 32 km/h.
Quantifier l’étanchéité
L’étanchéité se mesure en fonction des mouvements d’air (intérieur vers extérieur) dans un bâti sous une pression donnée, différente de la pression atmosphérique pour faciliter la mesure. Pour le passif, on quantifie des volumes d’air extraits (le volume d’air contenu dans le logement étudié) par heure sous une pression de 50 Pascals. La maison passive est particulièrement exigeante sur cette question : trois fois plus que la règlementation thermique française. Le standard préconise ainsi des valeurs inférieures à 0,6 vol/h, tout en soulignant qu’un résultat situé entre 0,2 et 0,6 est tout à fait accessible. Cette valeur limite de 0,6 vol/h correspond à une surface déperditive de 56 cm². Les certifications du passif imposent une vérification de cette étanchéité par une entreprise spécialisée indépendante.
Tester l’étanchéité
Réalisé avec une porte soufflante permettant de maîtriser la pression de l’air à l’intérieur du bâtiment (Blower Door), le test d’infiltrométrie vise à quantifier les débits d’air qui transitent involontairement hors d’un bâtiment, bref : les fuites. La mise sous pression (surpression ou dépression) intensifie les fuites d’air habituelles permettant une quantification précise. L’installation est reliée à un système informatique qui enregistre toutes les valeurs utiles pour comprendre le comportement de l’air dans la maison. Les informations sont instantanément traitées par l’ordinateur afin de donner une mesure d’étanchéité. Ce test est réalisé en cours de chantier (à la mise hors d’eau hors d’air) et à la fin du chantier, selon le même protocole que pour le neuf de la RE2020.
Une vérification dans le PHPP
L’étude PHPP contient les données climatiques, la composition de chaque parois (structure, isolant, parements extérieurs, couverture, soubassement) permettant de calculer précisément valeurs U et ponts thermiques, et les caractéristiques précises des fenêtres, portes d’entrée et ventilation (les caractéristiques des VMC double flux certifiées figurent déjà dans le logiciel). Toutes les dimensions extérieures des surfaces sont renseignées (fenêtres, portes, murs, plafonds, toiture, dalle, etc.), afin de calculer au plus juste les déperditions. Les masques sont importants car ils influent sur les apports solaires passifs. Enfin, il faudra entrer les apports internes (incluant éclairage, appareils électroménagers, bureautique… prévus dans le bâtiment), les modes de chauffage et de production d’ECS choisis. Le logiciel produit alors la feuille de vérification qui valide ou non les choix du concepteur : besoin de chauffage, énergies primaires totales, méthode mensuelle, surchauffe estivale… Il peut être nécessaire de modifier des épaisseurs d’isolants, des qualités de vitrage, la ventilation etc., le but étant de satisfaire aux exigences du label. Notons que les calculs préalables sont faits en considérant une étanchéité à l’air conforme à n50 ≤ 0,6 vol/h, ce qui reste à vérifier en cours de chantier.