Doc Thomaholz
Il y a encore 25 ans, le bois massif évoquait majoritairement les constructions en bois empilé. Il faudra désormais préciser, car le CLT (Cross Laminated Timber), bois lamellé-croisé ou panneau de bois massif, s’est fait une belle place dans le monde de la construction bois. Il est même devenu un concurrent très sérieux pour le béton armé !
Du bois… très massif
Ces panneaux massifs sont constitués de couches croisées à 90°, elles-mêmes constituées de lames aboutées dans le sens de la longueur et de la largeur, à l’image du bois lamellé. Ces couches peuvent être associées entre-elles soit par collage, soit par clouage ou encore par tourillonnage. Il en résulte des panneaux de très grandes dimensions (jusqu’à 70 m²), dont la seule limite est le transport routier, d’épaisseur de 6 à 40 cm selon le nombre de plis (toujours impair). C’est le croisement des plis qui assure une stabilité dimensionnelle au bois (pas de tuilage ou de retrait) et une grande résistance structurelle, qui permet de les utiliser en voile travaillant (panneaux auto-portants). On l’utilise en plancher, mur et toiture, seul ou associé à d’autres matériaux (isolants) ou d’autres systèmes constructifs (ossature bois, poteau-poutre, béton etc.) Le CLT se développe également dans la construction modulaire. Il est utilisé pour tous les types de bâtiments. L’essence la plus utilisée est l’épicéa, mais d’autres résineux comme le douglas, le mélèze, le sapin ou le pin, et certains feuillus, comme le chêne ou le hêtre, peuvent également être utilisés. Certains panneaux associent deux essences, pour offrir une face plus noble côté visible. Il permet l’utilisation de bois local, souvent non valorisé pour d’autres usages.
CLT : des atouts multiples
Le bois stockage de carbone
Découpés sur mesure en atelier par des machines à commande numérique, les panneaux arrivent sur le chantier, prêts à être assemblés à l’aide d’une grue. Ils permettent donc des chantiers secs, rapides et précis, sans déchets, ce qui se traduit en économie de temps et de budget. Leur légèreté (le bois est 4 fois moins lourd que le béton) permet de réduire le dimensionnement des fondations, de construire en zone sismique ou encore d’envisager avec facilité des surélévations. C’est un matériau à faible énergie grise et excellent bilan carbone : 1 m³ de CLT permet le stockage d’environ 930 kg de CO2).
L’étanchéité à l’air garantie
Sur le chantier, le panneau CLT apporte à lui seul une réponse à la problématique de l’étanchéité à l’air du fait de la continuité de la paroi : la pose d’un frein-vapeur est superflue. Sa préfabrication permet d’anticiper les ouvertures mais également le passage des gaines techniques, sans compromettre ses qualités structurelles ou thermiques. Nombre de maisons passives y ont recours pour leur construction avec une isolation par l’extérieur.
Structure et finition à la fois
Le panneau de bois massif CLT est généralement laissé visible côté intérieur, (face brossée, poncée, sans nœuds…). Ouvert à la diffusion de vapeur, il participe à la bonne régulation hygroscopique du bâtiment. Comme le bois lamellé, il est très faiblement émissif en formaldéhyde (le bois l’est toujours un peu), et fait partie des matériaux sains, classés E1, même dans sa version collée (le plus souvent colle polyuréthane). Certains fabricants sont labellisés Natureplus (Lignotrend, Novatop).
Notre expérience et les reportages publiés sur des bâtiments en CLT nous ont montré que sur la base d’une bonne conception, un ouvrage en CLT est tout à fait compétitif face aux autres systèmes constructifs. Même si le panneau présente un coût légèrement plus élevé, il ne faut pas le considérer seulement comme un panneau, mais comme un système constructif global, qui permet de diminuer les épaisseurs d’isolant, de s’affranchir de finitions intérieures, de diminuer les besoins en chaleur… bref d’autres postes d’économies.
Typologie des panneaux CLT
Les panneaux de bois lamellé croisé mettent en œuvre des colles sous pression soit polyuréthane (Panobloc, CLT Stora Enso, KLH, Lignotrend, Schilliger, BBS de Binderholz, PLX de Monnet‑Sève, Hexapli de Piveteau Bois…) soit mélamine urée formol d’émissivité limitée E1 – (MMCrosslam, Plicroisé de Belliard), voire les deux (Leno, Novatop). Certains fabricants comme MetsäWood utilisent aussi du LVL (Bois Lamifié, ici Kerto) comme couche centrale de leur produit (Kerto in Leno). Des recherches ont cours à l’ENSTIB d’Epinal sur la possibilité de coller des tourillons par soudage (micro-frictions).
Photo : Hexapli de Piveteau Bois
Des panneaux CLT sans colle
Certains panneaux sont assemblés par clouage, à plat ou sur chant. C’est le cas de MHM (Massiv Holz Mauer) fabriqué par les machines Hundegger sous licence. Il s’agit de murs, constitués de lames de 23 mm de bois, rainurées et croisées, puis solidarisées par des clous en aluminium rainurés. Les panneaux MHP sont également cloués, mais les lames sont posées sur chant, verticalement.
Une autre famille de panneaux assemble les lames par tourillons de hêtre à une hygrométrie inférieure à celle des plis, pour consolider l’assemblage qui se fait sans clou ni colle. C’est le cas du BMR‑T fabriqué par Sohm Holzbautechnik (tourillons posés en diagonales alternées), de Thoma Holz et NurHolz de l’entreprise Rombach NurHolz (plis croisés également à 45°).
Les dérivés du CLT
Pour améliorer leur qualité thermique ou phonique, les panneaux peuvent intégrer des isolants (Panobloc de Techniwood), se présenter sous forme de caissons (Kerto-Ripa) pour l’insufflation d’isolant en vrac, présenter des cavités dans des buts acoustiques (Lignotrend)… Récemment, l’entreprise ACDF Industrie, a mis au point un plancher coupe feu (Dalfeu), qui intègre au panneau CLT un joint coupe-feu périphérique.
L’offre française
Les plus grands fabricants de CLT sont en Allemagne, en Autriche et dans les pays nordiques, même si certains sont implantés en France depuis longtemps (KLH, Lignotrend, Metsä Wood, Stora Enso, Schilliger…) Les acteurs français se multiplient à l’image de la scierie Moulin, Techniwood, Belliard, Monnet-Sève, Piveteau Bois et Tanguy. Longtemps cantonné à la maison individuelle, le CLT commence à faire sa place dans la construction d’ouvrages plus conséquents : tertiaires, petits collectifs… Il est à l’honneur dans le Plan de la Nouvelle France Industrielle avec le programme “Immeuble à vivre bois”, puisqu’il semble s’imposer comme solution constructive aux côtés du bois lamellé pour dépasser les fameux 10 étages de hauteur et envisager dans un proche avenir les 30 étages. Une norme Européenne ainsi qu’un DTU français sont en préparation.
Un matériau d’avenir
La majeure partie des fabricants dispose d’avis techniques, d’ATEX ou de DTA. En attendant, le guide RAGE du CLT et l’Eurocode 5 précisent les règles en la matière. C’est un matériau en plein essor en Europe. La production française a été ralentie du fait de freins réglementaires, mais les industriels français sont en train de structurer leur offre. Le marché est bien présent, lui, et voué à se développer fortement dans les années qui viennent, grâce aux performances du système (préfabrication, rapidité de chantier, caractéristiques mécaniques, qualités environnementales…). C’est une solution de structure bois pertinente pour tout type de construction, parfaitement capable de concurrencer les autres systèmes constructifs, notamment le béton.
Les atouts du CLT
- Puits de carbone
- Naturel, renouvelable, recyclable
- Participe à l’isolation thermique et phonique des constructions
- Participe au déphasage par son inertie
- Régule l’hygrométrie
- Résiste bien au feu – pas d’effet cheminée
- Permet des chantiers secs, rapides et sans déchets
- Facilite la gestion de l’étanchéité à l’air
- Permet de longues portées et des porte-à-faux
- Permet la construction en hauteur (jusqu’à 10 étages à ce jour en Australie)
- Antisismique
- Structure et parement en un seul panneau