Dorémi est née à l’initiative de l’institut négaWatt, lui-même créé en 2009 à partir de l’association négaWatt, à qui l’on doit plusieurs scénarios de transition énergétique pour la France. Doremi, c’est avant tout une méthode qui permet de rénover un bâti dans sa globalité, afin de le transformer en une fois en logement réellement performant. Explications.
Photo de une : Juan Robert pour Dorémi.
Genèse de la méthode de rénovation globale
Dorémi est avant tout né du constat que 10 % des consommations françaises d’énergie passaient dans le chauffage des maisons d’avant 1975. Et des maisons de ce type, il y en a 7,4 millions à rénover… 2 Français sur 3 se plaint d’avoir froid en hiver malgré son chauffage, sans parler des nuisances sonores.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la Croissance Verte inscrit comme nouveaux objectifs de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012 et de disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « Bâtiment basse consommation » ou assimilées, à l’horizon 2050. Or à ce jour… on en est loin. Le 2ème constat de l’Institut est qu’une rénovation par étape ne peut pas être performante. Si les différents postes – menuiseries, chaudière, isolation et ventilation – ne sont pas traités ensemble au même moment, le résultat ne sera pas satisfaisant (au mieux on atteindra une division par 2 des consommations), voire pourra générer des pathologies : moisissures, surcoût, risque d’incendie, courants d’air, froid, pathologies structurelles et un confort très relatif… Avec une rénovation globale de qualité c’est un facteur 4 qui peut être atteint en réduction des consommations (de l’ordre de 80 kWh/m².an pour les 5 usages réglementaires), et de façon durable ! Toutefois, consciente de la réalité du marché, l’équipe Dorémi avec le soutien financier de l’ADEME, a développé des outils pour encadrer la réalisation de rénovation performantes par étapes.
Qu’est-ce qu’une rénovation performante ?
Pour Dorémi, la rénovation implique une enveloppe performante avec un niveau d’isolation correct et continu sur toute l’enveloppe, avant même de songer menuiseries, chaudière et VMC. Car seule une bonne coordination des intervenants est à même de réussir l’optimisation de l’étanchéité à l’air, le traitement des ponts thermiques et le bon dimensionnement des appareils, ce qui est impossible à réaliser lorsque l’on procède par étape. Les gains sont immédiats : division de la facture de chauffage de 4 à 8, gain de valeur patrimoniale, maison saine, confortable en hiver, fraîche en été et dont les émissions de gaz à effet de serre ont été fortement réduites. En transformant des factures de chauffage en mensualités de prêt d’un montant équivalent (« équilibre en trésorerie »), les ménages modestes peuvent disposer d’une maison performante (donc confortable, saine et économe) sans perte de pouvoir d’achat.
A qui s’adresser ?
Dorémi s’appuie sur un réseau de partenaires publics et privés au service de la rénovation performante et au plus près des artisans et des ménages dans les territoires. La démarche favorise l’emploi local et non délocalisable par la mobilisation des artisans du territoire et l’ouverture d’un nouveau marché « gagnant-gagnant » pour le ménage, l’artisan et le territoire, avec des métiers dévalorisés qui reprennent du sens. Ces artisans travaillent en groupement et sont formés et coordonnés. A ce jour, plus de 60 territoires se sont déjà engagés. 45 % des rénovations Dorémi ont été réalisées à destination des ménages modestes ou très modestes, ce qui a valu à Dorémi d’être agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale ».
Pour le particulier, il suffit d’initier un contact auprès de Dorémi ou de sa collectivité. Un conseiller se déplace sur site pour valider les points techniques et financiers (notamment les aides). Un groupement d’artisans vient étudier le projet et faire une proposition. Le propriétaire reste maître de son chantier et signe les devis.
Pour l’artisan : Dorémi propose une formation de 2 jours pour comprendre le marché, le fonctionnement en groupement et le réseau. Si le principe lui sied, une formation est conduite avec son groupement (4 jours sur la méthode) puis 3 à 5 jours sur un premier chantier. Cette formation est prise en charge par un organisme de formation et le complément finançable par l’apport de ce chantier. Il devient ensuite adhérent du réseau et officiellement « artisan d’un groupement Dorémi », ce qui lui apporte des services : soutien technique, planning, communication… Il chiffre lui-même ses devis et réalise les travaux en conformité avec le référentiel Dorémi. Le chantier terminé, la performance énergétique est évaluée et le travail valorisé par le territoire. A ce jour, plus de 300 groupements ont été constitués.
Les Solutions Techniques de Rénovation (STR)
Les Solutions Techniques de Rénovation (STR) ont été imaginées par Enertech afin de simplifier le dimensionnement de la performance énergétique pour atteindre une consommation moyenne de chauffage en France Métropolitaine de 50 kWhEP/m² SHAB.an sans calcul, soit 80 kWhEP/m² SHAB.an pour le chauffage et la production d’Eau Chaude Sanitaire. Cette simplicité et ce gain de temps permettent de se consacrer pleinement – c’est un point indissociable de l’utilisation des bouquets de travaux STR – à l’état des lieux architectural et technique (ELAT), au choix de matériaux et de produits respectant le bâti, la migration d’humidité et de vapeur d’eau, à la bonne conception et mise en œuvre des solutions techniques, etc. La STR la plus adaptée au bâtiment et au projet du ménage est sélectionnée parmi 13 STR proposées dans le tableau ci-dessous.
Le référentiel précise ensuite les bonnes pratiques de gestion des ponts thermiques selon la faisabilité tech- nique. Les cas d’isolation mixte (certains murs en ITI d’autres en ITE) et les ponts thermiques associés. Les cas de mitoyenneté de murs, d’isolation impossible du plancher bas, d’isolation partielle existante, de menuiseries récentes. Il explicite les tests d’étanchéité à l’air et les corrections requises, les risques de désordre liés à la migration de vapeur, les différentes situations de chauffage et d’ECS existants et enfin précise les conditions de mise en œuvre d’une bonne ventilation en vue de garantir une bonne qualité de l’air. Pour chaque poste de travaux, l’Artisan Dorémi dispose d’une « Fiche de Déclaration Qualité Dorémi » selon le modèle fourni par Dorémi. Elle précise la description de l’installation et de la mise en œuvre, ainsi que les mesures éventuelles associées à la mise en service et un accompagnement du ménage sur le fonctionnement et l’entretien sur le poste ou l’installation concernée, ainsi que la liste des éventuels documents (notices de fonctionnement, …) ou matériels remis aux clients (filtres de VMC…). La conformité de la rénovation au Référentiel est évaluée par l’Expert Dorémi missionné à cet effet par Dorémi SAS solidaire : avant signature de l’offre, lors de la première visite de chantier et à la fin du chantier. 25 critères de qualité sont passés au crible. Une application dédiée facilite les échanges d’informations du chantier.
L’alternative : la rénovation Dorémi par étape
Il y a consensus sur l’efficacité des rénovations globales en une seule fois : cohérences entre
les actions, temps de chantier limité, efficacité maximale atteinte en une seule fois, économies d’énergie immédiates permettant d’amortir l’investissement… Mais la réalité est là : la majorité des rénovations sont incomplètes, faute de moyens ou de connaissances. Dorémi propose donc d’anticiper sur les étapes futures de la rénovation et de conserver une vision globale de la rénovation du projet. 69 fiches ont été éditées à cet effet.
Un souci de coordination
Le traitement des interfaces entre les postes de travaux peut déjà être complexe lorsqu’ils sont réalisés en une seule fois. Cette complexité est accentuée lorsque les travaux se font en plusieurs étapes, empêchant la coordination entre les intervenants.
Une nécessaire démarche globale quand même
Si la rénovation performante par étapes est envisageable (sous conditions), le projet de rénovation doit être intégré dans une démarche globale. Une réflexion sur l’ensemble des lots énergétiques permet d’éviter les impasses de rénovation et de prendre en compte le traitement des ponts thermiques et la continuité de la barrière d’étanchéité à l’air, dans le but d’atteindre la performance à terme. Cette vigilance permet également d’assurer le respect des bonnes pratiques en matière de migration d’humidité et de vapeur d’eau. Cela afin d’éviter les phénomènes de condensation à l’origine de développements de moisissures et de pathologies diverses pour le bâti, également préjudiciables à la qualité de l’air intérieur et à la santé des occupants. Les fiches pas à pas ont pour objectif de proposer des solutions au traitement des interfaces entre 2 lots de travaux réalisés en 2 étapes distinctes, dans une démarche de rénovation performante à terme. Les adaptations peuvent s’appliquer aux 2 lots ou à un seul des 2 (anticipation en 1re étape et/ou mesures correctives en 2e étape) pour éviter la majorité des écueils.
Des risques…
Sont aussi indiqués, le cas échéant, les risques entre les 2 étapes (condensation, mauvaise qualité de l’air…) et les problématiques qui ne pourront pas être évitées (surcoûts, fatigue morale des propriétaires…). Ces éléments sont à prendre en compte par les propriétaires et les artisans avant de décider d’effectuer les travaux de rénovation énergétique par étapes plutôt qu’en une seule fois.
et des limites
En janvier 2021, Dorémi a livré les résultats d’une étude réalisée avec l’ADEME et Enertech, intitulée “La rénovation performante par étapes” disponible en ligne sur le site de l’Ademe. Cette analyse intègre également les notions qui complètent la définition d’une rénovation performante, à savoir la santé et le confort pour les occupants, ainsi que la qualité du bâti, tout au long du parcours de rénovation. Elle montre que les pratiques usuelles, nommées “rénovations partielles”, qui consistent à juxtaposer des “gestes de travaux”, ne permettent pas d’atteindre cet objectif. De plus, elles peuvent conduire à créer ou renforcer des désordres sur le bâti, avec impact possible sur le confort, voire la santé des habitants. L’étude montre aussi que renforcer la performance de chaque élément ne conduit pas non plus au bon niveau de performance dans cette approche “élément par élément”. Ainsi, l’addition simple de travaux qualifiés de “travaux BBC-compatibles” n’est pas suffisante pour l’atteinte du niveau de performance BBC rénovation ou équivalent à terme, en moyenne sur le parc. L’étude montre la nécessité de disposer d’une vision globale de ce que sera le parcours de rénovation performante par étapes. Elle pointe l’importance majeure du traitement des interfaces entre postes de travaux afin de disposer d’une continuité de l’isolation, de la barrière frein-vapeur et de l’étanchéité à l’air, pour éviter les pathologies et atteindre un niveau BBC-Rénovation ou équivalent à terme à l’échelle du parc.
En 1 à 3 étapes, mais sous condition
L’étude démontre par des études de cas et des calculs que l’atteinte du niveau BBC rénovation ou équivalent à terme par des parcours de 4 étapes de travaux ou plus à un coût acceptable et d’ici 2050 semble peu réaliste. Cette performance peut être atteinte en 1 à 3 étapes sous des conditions strictes décrites dans le rapport. La probabilité d’atteindre la performance décroît avec l’augmentation du nombre d’étapes. Les conditions de réussite pour atteindre la performance par étapes relèvent de considérations techniques, pédagogiques, économiques, financières, également sociales (accompagnement des ménages). L’étude met en exergue l’absence, et le besoin, de préconisations techniques pour l’ensemble des cas de figures pratiques rencontrés sur le terrain dont le bon traitement est nécessaire pour aboutir à une rénovation performante à terme.
La réalité du terrain
Et pourtant, en 2017, l’étude TREMI annonce que si plus de 5 millions de ménages ont réalisé des travaux de rénovation (énergétique ou non) sur la période 2014–2016, seulement 25 % de ces projets ont permis de sauter au moins une classe de DPE (ADEME TREMI, 2018). De même, seulement 5 % des travaux réalisés ont un impact énergétique jugé « important » (saut de 2 classes énergétiques ou plus selon DPE). Les ménages privilégient la rénovation partielle de leur maison (1 à 2 postes de travaux, comme le remplacement des menuiseries et/ou l’isolation des toitures/combles). Seules 35 % des rénovations comportent plus de 2 postes de travaux…
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